J’espère que mes compatriotes canadiens ont passé une excellente fin de semaine de l’Action de grâce, et que les Blue Jays sont encore dans la course au moment où vous lisez ces lignes.
Le mot dévaluation (ou altération monétaire) revient de plus en plus souvent dans les médias ces derniers mois, et je trouve que c’est un sujet intéressant à aborder. Alors, qu’est-ce que la dévaluation et pourquoi en parle-t-on autant aujourd’hui?
La dévaluation
Le terme anglais est « Debasement », et ce n’est pas seulement un bar à Chicago où les fans vont regarder « Da Bears ». Le mot a des racines historiques bien plus profondes. À l’époque de la Rome antique et de l’Angleterre des Tudor, certains détenteurs peu scrupuleux de pièces de monnaie (notamment en argent et en or) faisaient fondre ces pièces avec des métaux de moindre valeur, comme le nickel ou l’étain. Le terme même dévaluer signifie littéralement « rabaisser la valeur de quelque chose ».
La Grande Dévaluation
Durant les années 1540 et 1550, l’Angleterre des Tudor a connu une période appelée La Grande Dévaluation. À la suite des guerres menées par Henri VIII contre la France et l’Écosse, la Couronne manquait de fonds et s’est tournée vers la monnaie royale. Faute d’argent pour frapper de nouvelles pièces, on a commencé à les fabriquer avec un mélange d’argent et d’autres métaux. La teneur en argent des pièces est passée de 92,5 % à seulement 25 % en 1549. Bien que la valeur nominale des pièces soit restée la même, leur composition métallique avait été profondément altérée et dévaluée.

Fiscalité cachée
Lorsque la masse monétaire augmente, la valeur intrinsèque de cette monnaie tend à diminuer. En réduisant la valeur d’une devise, on impose en quelque sorte une taxe sur le pouvoir d’achat de l’économie. Aujourd’hui, le terme est plus souvent utilisé pour décrire les fortes augmentations de la masse monétaire résultant des politiques budgétaires et monétaires mises en œuvre en réponse à la crise financière, puis à la pandémie de COVID-19.
Comme le montre le graphique ci-dessous, la masse monétaire mondiale (provenant des principales banques centrales) a augmenté de 370 % depuis 2007 ou de 780 % depuis 1993. L’augmentation de la masse monétaire dans un contexte de forte croissance économique n’est pas aussi préoccupante, mais au cours de ces périodes, la croissance de la masse monétaire a largement dépassé celle du PIB.

En réalité, les banques centrales du monde entier ont dévalué leurs devises en augmentant continuellement la masse monétaire. La dévaluation est donc en cours depuis longtemps.
Se protéger contre la dévaluation
Si la dévaluation correspond à l’érosion de la valeur due à une création monétaire peu contrainte, alors les valeurs refuges constituent une forme de protection contre ce phénomène. Trois principales catégories d’actifs peuvent jouer ce rôle :
- Les devises étrangères: D’autres monnaies, extérieures à celle de votre économie, peuvent offrir une certaine protection contre la dévaluation. Toutefois, dans le contexte actuel où la masse monétaire augmente dans la plupart des grandes économies, cette protection reste limitée. Les devises plus contrôlées, comme le renminbi, peuvent être plus difficiles à acquérir et à détenir.
- Les métaux précieux: L’or et l’argent servent depuis des siècles de rempart contre la dévaluation. Dans l’exemple de l’Angleterre des Tudor, le simple fait de détenir de l’argent métal aurait protégé les épargnants contre la dévaluation des pièces en circulation. L’or, quant à lui, a été la principale valeur refuge non seulement pour les citoyens, mais aussi pour les États pendant de nombreuses générations. Aujourd’hui encore, il demeure la réserve de valeur privilégiée des banques centrales, ce qui contribue à la hausse de son prix.
- Les cryptomonnaies: Le Bitcoin et d’autres cryptomonnaies présentent une caractéristique clé qui les rend attrayants face à la dévaluation : une offre strictementcontrôlée. Dans le cas du Bitcoin, la croissance annuelle de l’offre est régulée par un algorithme, à un rythme bien inférieur à celui des devises fiduciaires. Cela en fait, en théorie, une réserve de valeur dotée d’une offre limitée.
On me demande souvent quels sont les mérites relatifs de ces différents actifs. Faut-il privilégier l’argent à l’or? Le bitcoin plutôt que l’or?
Personnellement, je pense que chacun a ses avantages, mais je ne cherche pas à compliquer les choses. L’or demeure l’actif privilégié des grandes institutions — et surtout des banques centrales. Les autres actifs présentent des caractéristiques similaires, mais leur comportement semble plus spéculatif.
L’or reste le patriarche des valeurs refuges face à la dévaluation.