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Les modèles de financement collaboratifs

À mesure que le paysage philanthropique évolue, un nombre croissant de personnes fortunées (HNWIs) délaissent les modèles de donations traditionnels au profit d’approches participatives et communautaires. Les cercles de donateurs, la philanthropie d’investissement, les plateformes de dons, les fonds mutualisés et les initiatives de grande envergure offrent désormais aux donateurs la possibilité de s’impliquer plus activement, de collaborer de manière significative et de générer un impact stratégique remettant ainsi en question les normes traditionnelles liées au patrimoine et à l’influence dans le domaine philanthropique.

Dans la continuité de l’article original publié en juillet 2025, nous explorons comment les collaborations entre mécènes façonnent le secteur caritatif canadien.

L’essor de la philanthropie collaborative au Canada

Le modèle traditionnel de la philanthropie individuelle et descendante connaît une transformation majeure au Canada. Les familles ayant un patrimoine élevé (HNWI), les fondations familiales et les bureaux de gestion familiaux reconnaissent de plus en plus, à travers leurs portefeuilles d’investissement, le pouvoir de la collaboration pour générer un impact plus important et aborder plus efficacement des enjeux sociaux complexes. Ce changement donne naissance à des modèles de financement innovants qui mettent l’accent sur le partenariat, le partage des ressources et une approche plus engagée en matière de dons. « Au Canada, comme ailleurs, cette pratique en pleine expansion est étroitement liée à la tendance de la philanthropie stratégique, dans laquelle les fondations se positionnent comme de véritables agents de changement. »

Collaboration Between Canadian Grantmaking Foundations: The Expression of an Increasingly Ambitious and Strategic Philanthropic Sector?, Canadian Journal of Nonprofit and Social Economy Research.

Qu’est-ce qu’une collaboration entre mécènes? Alliances et coentreprises (joint ventures)

Nous savons tous ce que signifie collaborer; travailler ensemble vers un objectif commun.
Mais que veut dire la collaboration dans un contexte formel? Quelles sont les considérations à prendre en compte, tant juridiques que personnelles? Et qu’est-ce qui peut faire obstacle à une collaboration efficace?

Il est généralement admis que les organisations accomplissent davantage ensemble, grâce à une action coordonnée ou collective, que si elles agissaient de manière indépendante. Toutefois, le type de collaboration varie selon les acteurs et les enjeux. Certaines collaborations peuvent être formelles ou informelles, limitées dans le temps ou en continu. En règle générale, ces relations ne sont pas permanentes, et les participants peuvent aller et venir selon les besoins de collaboration du moment.

Les collaborations se répartissent en deux grandes catégories: les alliances et les coentreprises. Les alliances représentent un engagement à prendre des décisions conjointement. Ces partenariats ne nécessitent aucune modification de la structure organisationnelle des parties impliquées, et peuvent être contractualisés ou non, selon la nature du projet. Exemples d’alliances: collaborations administratives, programmes conjoints, activités génératrices de revenus ou actions de plaidoyer communes.

Une coentreprise, en revanche, est une forme de collaboration plus complexe. Elle réunit deux organisations ou plus qui mettent en commun leurs ressources administratives, leurs programmes ou leurs activités de plaidoyer au sein d’une entité contrôlée. Ces organisations partagent la gouvernance et la prise de décision. Cette entité peut prendre la forme d’une nouvelle structure juridique ou d’un réseau temporaire ou d’une association.

Ce qui la distingue d’une alliance, c’est le degré de formalité de la relation, qui repose sur des contrats et des structures légales clairement définis. Dans le secteur caritatif, les collaborations les plus courantes se font entre des organisations à but lucratif et des organismes sans but lucratif, ou entre des fondations privées et des organismes gouvernementaux.

Chaque type de collaboration présente ses avantages et ses inconvénients. En fin de compte, tout dépend du niveau de tolérance au risque et de la solidité de la relation entre les partenaires. La principale raison de l’échec de collaborations réside généralement dans une rupture de la confiance et de la communication entre les parties. Un exemple récent et très médiatisé est celui de la relation entre WE Charity et le gouvernement canadien, une collaboration qui a échoué non seulement dans son exécution, mais qui a aussi mené à la fermeture de la branche canadienne de WE Charity (l’organisation poursuit toutefois ses activités aux États-Unis et à l’étranger).

Les fondations familiales et les bureaux de gestion familiaux: chefs de file de l’impact social

L’une des formes les plus marquantes de philanthropie collaborative au Canada repose sur des coentreprises entre des fondations familiales, des bureaux de gestion familiaux (family offices) et des organismes à but non lucratif et/ou des entreprises sociales. « L’intérêt accru pour ce type de collaboration semble suivre la tendance de la philanthropie stratégique, marquée par une évolution du modèle traditionnel, fondé sur une relation réactive avec les bénéficiaires, vers une approche plus proactive, dans laquelle les fondations assument une responsabilité accrue dans l’identification et la définition des enjeux, ainsi que dans l’élaboration de stratégies pour y répondre. » (Ibid.)

Ces partenariats stratégiques permettent d’aligner de manière cohérente les ressources, les expertises et les réseaux, menant souvent à des initiatives de financement plus substantielles et durables. En conjuguant leurs efforts philanthropiques, leurs valeurs familiales et leurs priorités sociétales, ces acteurs sont en mesure de mener des projets d’envergure, de mobiliser des points de vue variés et de partager les responsabilités administratives, amplifiant ainsi leur impact collectif.

Étude de cas : Fondation GeShiDo

Créée par un groupe de philanthropes et d’entrepreneurs, la Fondation GeShiDo se concentre sur les investissements. Alors que la plupart des fondations mettent l’accent sur le quota de distribution (soit 5 % des actifs totaux), GeShiDo se concentre plutôt sur les 95 % d’actifs investissables, en cherchant à les mobiliser efficacement grâce à la coordination des efforts des organisations bénéficiaires présentes dans son portefeuille. Cette théorie repose sur l’idée que, si les bénéficiaires peuvent accéder au type de capital dont ils ont besoin (dette, financements, subventions, capitaux propres, etc.) au moment opportun, et qu’ils coordonnent leurs actions entre eux, le changement social peut se produire de manière plus efficiente et durable. L’objectif ultime de la fondation est de faire passer un million de Canadiens d’une situation de crise à un état de stabilité, grâce à cette approche intégrée axée sur la sécurité alimentaire, le logement et la santé mentale.

Étude de cas : Coalition pour la santé mentale Converge

Sous la direction de la Hunter Family Foundation, Converge a créé une coalition regroupant des mécènes, des organismes à but non lucratif, des entreprises privées et des agences gouvernementales, dans le but de simplifier l’accès et la navigation au sein du système de santé mentale au Canada. En mettant en commun leurs ressources financières, en partageant leur expertise respective en matière d’octroi de subventions et d’évaluation de programmes, en mobilisant leurs réseaux et leurs liens avec les décideurs politiques, et en impliquant à la fois des experts du secteur et des utilisateurs, la Coalition a pu lier différents programmes de soutien, atteignant ainsi des communautés auparavant mal desservies. Cette collaboration a permis la création de nouvelles synergies entre les organisations existantes, facilitant un accès plus fluide aux services pour les bénéficiaires, ainsi que la mise à jour de la législation sur la protection des renseignements personnels, permettant désormais une participation interprovinciale et intraprovinciale accrue dans le secteur de la santé mentale.

Mettre les ressources en commun: maximiser l’impact grâce au don collectif

Au-delà des coentreprises formelles, les philanthropes canadiens adoptent de plus en plus le concept de mise en commun des ressources afin de maximiser leur impact. Cette approche peut prendre différentes formes, allant de réseaux informels de donateurs à des cercles de dons structurés ou des fonds collectifs thématiques. Le principe fondamental repose sur l’idée que le don collectif permet d’octroyer des subventions plus importantes, d’offrir une plus grande flexibilité, et de soutenir des initiatives qui seraient peut-être trop ambitieuses pour un seul donateur.

● Cercles de dons au Canada: Les cercles de dons, dans lesquels les participants contribuent à un fonds commun et décident collectivement de l’allocation des subventions, gagnent en popularité partout au Canada. Ces cercles permettent aux donateurs de s’impliquer plus activement dans les causes qui leur tiennent à cœur, de tirer profit des connaissances de leurs pairs et de prendre des décisions éclairées quant à leurs contributions. (Des détails supplémentaires et des exemples spécifiques de cercles de dons canadiens sont présentés dans la Partie 1 de cette série.)

Fonds collectifs thématiques: De nombreuses organisations caritatives canadiennes et fondations communautaires mettent sur pied des fonds collectifs thématiques, permettant à plusieurs donateurs de contribuer à une cause précise, telle que la protection de l’environnement, la réconciliation avec les peuples autochtones ou le logement abordable. Ces fonds offrent aux donateurs un moyen pratique de participer à des initiatives d’envergure, tout en bénéficiant de l’expertise et de la diligence raisonnable des administrateurs du fonds. Ce modèle est particulièrement courant dans le cadre de financements d’urgence, par exemple pour venir en aide aux victimes de guerre (comme l’initiative de soutien à l’Ukraine) ou lors de catastrophes naturelles telles que les feux de forêt, inondations ou ouragans.

Cofinancement et rôle d’ambassadeur: faire rayonner les projets et les causes

La philanthropie collaborative s’étend également au cofinancement d’événements et de campagnes, ainsi qu’à la promotion de projets ou d’enjeux spécifiques à titre d’ambassadeur.
Cela consiste à mobiliser son influence, ses réseaux et ses ressources afin de sensibiliser le public, attirer des financements additionnels et créer un élan collectif autour d’une cause donnée.

● Initiatives d’investissement à impact: Les familles fortunées (HNWI) et les bureaux de gestion familiaux canadiens organisent conjointement de plus en plus d’événements consacrés à l’investissement d’impact, réunissant des investisseurs, des entreprises sociales et des organismes à but non lucratif pour explorer des solutions de financement novatrices aux défis sociaux et environnementaux. En mettant à profit leur crédibilité et leurs réseaux, ces philanthropes contribuent à canaliser les capitaux vers des initiatives à fort impact. Plus récemment, Platform Calgary a organisé Impact 2025, un sommet d’une demi-journée consacré à l’équilibre entre les personnes, la planète et le profit dans un contexte mondial incertain.

Campagnes de sensibilisation et de plaidoyer : Les leaders philanthropiques jouent souvent le rôle d’ambassadeurs pour des enjeux sociaux majeurs, utilisant leur visibilité pour sensibiliser le public et promouvoir des changements politiques. Cela peut inclure la coanimation de forums publics, le soutien à la recherche, ou encore la collaboration avec les décideurs politiques pour favoriser un changement systémique. Un exemple concret est celui du Mental Health & Wellness Affinity Group (MHWAG), lancé par la Fondation Graham Boeckh, qui regroupe plusieurs mécènes unis pour améliorer la prestation des services en santé mentale dans le cadre des services intégrés pour les jeunes.

Perspectives: l’avenir de la philanthropie canadienne

Aujourd’hui, de nombreux donateurs stratégiques reconnaissent qu’ils peuvent avoir un impact bien au-delà du montant de leurs dons. Les enjeux sociaux sont de plus en plus complexes, et à mesure que le gouvernement s’appuie davantage sur la société civile, c’est-à-dire sur la philanthropie privée, pour combler certaines lacunes, ce type de financement deviendra plus courant et constituera une force économique encore plus importante au sein du secteur caritatif. Les modèles de financement collaboratifs continuent d’évoluer.


Ils ne transforment pas seulement la pratique philanthropique au Canada, mais remettent également en question les dynamiques de pouvoir traditionnelles au sein du secteur caritatif.

En favorisant un engagement plus profond, une prise de décision partagée et un engagement collectif envers l’impact, la philanthropie collaborative ouvre la voie à un paysage caritatif plus résilient, plus réactif et, ultimement, plus efficace pour tous les Canadiens.


Karma & Cents offre des services de conseil en philanthropie destinés aux individus, aux familles et aux entreprises familiales. Basée à Calgary depuis 2017 et fondée sur plus de 30 ans d’expérience combinée de ses cofondateurs, Gena Rotstein et Richard Ouellette, l’entreprise élabore des plans philanthropiques sur mesure, ainsi que des services de planification successorale, d’investissement à impact et de gestion de fondations.

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